Rendre visibles les vulnérabilités en santé sexuelle des femmes migrantes
Date de modification : 20/02/2023
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Prendre en compte le sexe et le genre dans les parcours de santé des personnes : un enjeu de santé publique majeur.
Les inégalités de santé entre les femmes et les hommes persistent. Elles ont pour cause les représentations sociales liées au genre qui peuvent avoir un retentissement négatif sur la santé des femmes. Par ailleurs, le Haut Conseil à l’Egalité appelle à prendre en compte le sexe et le genre pour mieux accompagner, prévenir et soigner la santé des femmes. En effet, plusieurs domaines en santé font l’objet d’une attention particulière, comme la prise en compte des conditions de vie, sociales, économiques et environnementales qui engendrent des vulnérabilités en santé différentes entre les hommes et les femmes (1). Le cas des vulnérabilités en santé sexuelle concernant les femmes migrantes en est un exemple.
Un accès aux soins plus complexe pour les femmes.
L’accès à la santé et aux soins est un droit garanti par le Code de la santé publique (2) et par de nombreux textes de lois. Cependant, de manière très concrète, de multiples obstacles subsistent tous les jours dans l’accès aux soins des personnes les plus vulnérables et éloignées des systèmes de prévention et de soins. Ces obstacles peuvent avoir un impact important sur le parcours en santé sexuelle, qui peut s’avérer « complexe ».
Pour illustrer nos propos, l’enquête DSAFHIR (3), réalisée auprès de femmes en situation de précarité résidant dans les hôtels sociaux parisiens, met en lumière le fait qu’elles n’ont pas accès à des soins ou qu’elles ont renoncé à certains soins. Ce renoncement intervient en raison de différents facteurs, notamment financiers. Une mauvaise connaissance de leurs droits et des structures ressources en termes de gratuité des soins en santé sexuelle est également observée. Travailler sur le développement des compétences psychosociales, afin de permettre à ces femmes de contrer les différents obstacles à l’accès aux soins, est l’un des éléments clés sur lequel le Crips peut intervenir de manière pertinente.
Les vulnérabilités en santé sexuelle et reproductive des femmes migrantes.
Outre l’enquête PARCOURS, qui a permis de montrer que pour les femmes immigrées d’Afrique subsaharienne l’absence de logement est un déterminant majeur de l’exposition au risque VIH, diverses études s’intéressent aux corrélations existantes entre la santé sexuelle et reproductive des femmes en situation de vulnérabilités et les conditions socioéconomiques dont elles disposent.(4)
Pouvoir faire de l’aller-vers dans les hôtels sociaux est également une de nos stratégies afin de rencontrer ces femmes et ces familles là où elles se trouvent, et ainsi les raccrocher à un parcours de santé qui réponde à leurs besoins (PMI de proximité (5), CPEF (6), PASS (8)...).
Mise en lumière sur la précarité menstruelle, une réalité pour de nombreuses femmes.
La précarité menstruelle correspond à l’impossibilité ou difficulté, pour certaines personnes menstruées, de se procurer régulièrement et en quantités suffisantes des protections hygiéniques, faute de moyens économiques. Plus largement, la précarité menstruelle renvoie aussi à l’absence d’accès à des installations d’hygiène pour vivre ses règles en toute sérénité et ne pas mettre en danger sa santé. En France, selon l’IFOP (9), 39 % des femmes issues des milieux les plus précaires ne disposent pas de suffisamment de protections hygiéniques. La précarité menstruelle entraîne des répercussions à la fois sur la santé physique et mentale des personnes qui la subissent (situations d’exclusion sociale et professionnelle, démangeaisons, infections, etc.).
Dans le cadre de la journée de sensibilisation autour de l’hygiène menstruelle et de la précarité menstruelle du 28 mai, nous souhaitons mettre en avant l’initiative du Crips IDF concernant les actions « Menstru’elles » à destination des femmes migrantes. Pour rappel, ces actions ont pour objectif de développer les compétences psychosociales des femmes, de créer des serviettes hygiéniques lavables afin de lutter contre la précarité menstruelle et de déconstruire certains tabous autour des règles et de l’hygiène menstruelle. En 2021, 15 ateliers « Menstru’elles » ont été réalisés au Crips et 100 % des participantes se sont déclarées très satisfaites de l’animation. Les participantes ont apprécié ces moments d’échange, d’entraide, de transmission de savoir-faire entre femmes. La notion de développement d’estime de soi est également souvent ressortie.
Renforcer les compétences psychosociales et la capacité d’agir des femmes.
Développer les compétences psychosociales des femmes, notamment l’estime de soi et la conscience de soi, participe à l’insertion et à la participation des femmes dans le maintien des relations sociales et, indirectement, dans l’accès aux soins en santé sexuelle.
Donner les clés pour favoriser une conscience de soi permet de poser les fondements pour une prévention des comportements à risque.
Des ateliers de remobilisation des femmes sur la conscience de soi sont proposés par le Crips IDF, dans une optique de prévention et promotion de la santé, visant plus globalement l’accès aux soins en santé sexuelle des femmes migrantes.
De plus, en leur expliquant leurs droits en matière d’accès à la santé et en développant des stratégies pour faire valoir et reconnaître ces droits auprès des professionnels de santé, nous construisons une stratégie d’empowerment des personnes. Un empowerment dont l’efficacité en termes de diminution des inégalités de santé est reconnue.
Mise en place de parcours d’ateliers à destination des femmes migrantes dans le cadre du programme ACCESS
Le Crips Île-de-France œuvre à l’élaboration d’un programme d’accès en santé sexuelle pour les populations migrantes (le programme « Access »). Il a pour objectif de contribuer, d’ici 2024, à l’amélioration du parcours de prévention en santé sexuelle des personnes migrantes en situation de vulnérabilités, en favorisant l’entrée dans un parcours de soins.
Un des objectifs du programme Access est de pouvoir capter le public cible sur différents temps de prévention et promotion de la santé afin de multiplier les bénéfices de nos actions et lui permettre de rentrer dans un parcours de soins et de prévention. Plusieurs parcours sous forme d’ateliers ont donc été dédiés aux femmes migrantes en situation de précarité et expérimentés en 2021 et 2022. Ces parcours permettent de réunir plusieurs temps de sensibilisation du programme ACCESS (Ateliers Menstru’elles, Ateliers relaxation, Ateliers “Du temps pour soi pour sa santé”…) afin d’augmenter l’efficacité et de cumuler les divers objectifs des actions.