Fin du VIH en 2030 : accompagner les collectivités
Date de modification : 29/05/2024
Le Conseil régional de l'Île-de-France, conscient de l'importance de lutter contre l'épidémie de VIH et de la capacité collective à y faire face, a initié en 2016 le plan "Pour une Île-de-France sans sida". L'objectif de ce plan ambitieux est de mettre fin à l'épidémie de VIH d'ici 2030 sur le territoire.
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Pertinence et efficacité de l’échelon local dans la réponse au VIH/sida
L’Île-de-France est la région métropolitaine la plus touchée par le VIH : c’est le territoire où l’épidémie non diagnostiquée est la plus importante. En effet, plus de 40% des personnes ignorant leur séropositivité résident en Île-de-France.
Conscient de la priorisation à donner à la lutte contre cette épidémie et à notre capacité collective à y répondre efficacement, le Conseil régional a lancé, dès 2016, le plan « Pour une Île-de-France sans sida », avec l’ambition de mettre fin à l’épidémie de VIH d’ici 2030 sur le territoire francilien.
Ce volontarisme des collectivités locales est d’ailleurs un mouvement de fond puisque, post-2016, des plans spécifiques ont été lancés au niveau régional (Hauts-de-France), au niveau départemental (Essonne et Seine-SaintDenis) et au niveau municipal (Nantes, Bordeaux, Nice, Lyon, Strasbourg).
Dans cet objectif de contrôle de l’épidémie de VIH d’ici 2030, il est évidemment primordial de s’appuyer sur les élus locaux qui sont un échelon particulièrement légitime et pertinent pour développer une réponse efficace au VIH/sida.
Au plus près des préoccupations des populations, grâce aux structures de proximité d’ordre social, sanitaire ou dédiées aux jeunes (maison des adolescents, missions locales...) ou aux populations les plus exposées, les élus disposent de capacités et d’outils de mobilisation permettant une réponse efficace et adaptée aux besoins constatés des populations.
D’ailleurs, le plus souvent, nul besoin de créer de nouvelles structures dédiées pour la lutte contre le VIH/sida, elles sont souvent déjà présentes sur le territoire. Une politique efficace de lutte contre le sida peut être neutre économiquement via des partenariats avec les structures locales ou exerçant sur le territoire.
Il suffit bien souvent de faire rentrer la thématique VIH/sida dans leurs programmes de travail annuel, comme par exemple pour les contrats locaux de santé (CLS) ou les ateliers santé ville (ASV).
Cet article a l’ambition d’outiller les élus locaux d’Île-de-France :
- En donnant une image précise de l’épidémie sur le territoire francilien à une échelle ville.
- En explicitant les enjeux du VIH aujourd’hui en termes de prévention, de dépistage et de lutte contre les discriminations. Les progrès ces dernières années ont été immenses !
- En proposant une solution d’accompagnement de vos équipes pour mettre en place des projets et actions de lutte contre le VIH/sida sur leur territoire.
Connaître l’épidémie au niveau local
Les chiffres clés généraux
Les chiffres nationaux :
- 200 000 personnes vivent avec le VIH en France.
- Environ 5 000 découvertes de séropositivité sont constatées chaque année, un chiffre stable depuis 10 ans.
- Plus de 20% de ces découvertes concernent des personnes de plus de 50 ans.
Les chiffres en Île-de-France :
- 40% du nombre total de personnes ignorant leur séropositivité en France, résident en région Île-de-France.
Le niveau d’information :
- 63% des Français pensent que le préservatif est l’unique mode de prévention contre le VIH/sida, une idée d’autant plus fréquente chez les plus âgés.
- Moins d’un Français sur 2 indique avoir déjà entendu parler de la PrEP (prophylaxie préexposition) et du TasP (le traitement pris par les personnes séropositives au quotidien empêche toute transmission du VIH).
Le niveau de dépistage :
- 10 000 personnes séropositives en Île-de-France ne le savent pas (sur 25 000 personnes en France).
- Entre une contamination et une découverte de séropositivité se passe en moyenne 3 ans et demi.
- 27% des découvertes de séropositivité sont tardives.
La sérophobie :
- 27% des parents seraient mal à l’aise si l’un des enseignants de leur enfant était séropositif.
- 22% des Français seraient mal à l’aise s’ils apprenaient que leur meilleur ami est séropositif.
- 17% des actifs seraient mal à l’aise si l’un de leurs collègues était séropositif.
Les cartographies ville par ville
L’étude COINCIDE * est partie d’un constat : à ce jour, aucune information n’est disponible à l’échelle territoriale infra-départementale en Île-de-France, concernant le nombre et la répartition des nouveaux diagnostics (notamment les diagnostics tardifs), alors que le dépistage est la clé de voûte de la réponse à l’épidémie.
En effet, les stratégies de dépistage du VIH sont essentiellement ciblées sur les « populations clés », c’est-à-dire les plus exposées à un risque de contamination, mais les « territoires clés » c’est-à-dire les territoires où sont recensés les nombres les plus élevés de nouveaux diagnostics sont une notion insuffisamment prise en compte.
Pourtant ce type de données serait extrêmement utile afin d’ajuster au mieux et prioriser les stratégies de dépistage et de prévention.
L’étude COINCIDE nous permet d’avoir une vision fine de la réalité de l’épidémie en Île-de-France.
Connaître les enjeux de la lutte contre le VIH
Prévention diversifiée et objectifs « 3x95 »
Pour mettre fin au VIH/sida, un parcours efficace et fluide doit être mis en œuvre mêlant prévention via tous les outils existants, dépistages précoces et réguliers et mise sous traitements rapide en cas de découverte de séropositivité. Ce parcours est en partie résumé dans cette formule « 3x95 ». Elle constitue en fait un objectif repris, notamment, par la stratégie nationale de santé sexuelle mise en place par le ministère de la Santé et de la Prévention et par le plan « Pour une région Île-de-France sans sida ».
C’est un objectif de santé publique ambitieux, mais atteignable si les moyens sont à la hauteur, notamment dans la promotion de la prévention diversifiée et si les populations clés bénéficient d’un focus particulier. Si c’est le cas, nous pourrons passer de la fin du sida avec un point d’interrogation à la fin du sida… avec un point d’exclamation !
Les outils de la prévention diversifiée
Aujourd’hui la prévention n’est plus centrée uniquement sur le préservatif. Elle est dite diversifiée, car composée de nombreux outils permettant à chacune et chacun d’adapter sa prévention à sa vie, ses possibilités, ses envies, favorisant ainsi une appropriation de la prévention en général.
Aujourd’hui la prévention repose sur :
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Les préservatifs
Le préservatif interne (dit féminin) et le préservatif externe (dit masculin) restent toujours les moyens les plus faciles d’accès pour se protéger du VIH et des autres IST. Certaines marques de préservatifs externe et interne sont disponibles en pharmacie gratuitement pour les moins de 26 ans.
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Le dépistage
La multiplication des outils de dépistage (en laboratoire, en CeGIDD, via un dépistage rapide ou encore un autotest) permet de travailler efficacement vers une plus grande précocité du dépistage suite à une exposition au VIH, ainsi qu’à une plus grande régularité d’utilisation pour les populations les plus concernées.
Se dépister, c’est prendre soin de soi, c’est prendre soin des autres. Depuis le 1er janvier 2022, il est possible de faire un test de dépistage du VIH sans ordonnance, pris en charge à 100% sans avance de frais, sur simple demande et sans rendez-vous, dans tous les laboratoires d’analyses médicales de France.
Ce dispositif va être étendu aux autres IST pour les moins de 26 ans.
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La réduction des risques pour les utilisateurs de drogues
Cette politique sanitaire, très efficace, se conçoit comme une « palette » d’outils (mise à disposition de matériel stérile, accès à des traitements de substitution, etc.) destinés à réduire les risques, notamment liés à la transmission du VIH.
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Le traitement post-exposition
Ce dispositif, trop peu connu, permet à une personne séronégative ayant été exposée au VIH de prendre un traitement antirétroviral pendant un mois et ainsi empêcher une contamination au VIH.
Le traitement, disponible gratuitement dans tous les services d’urgences des hôpitaux, doit être pris dans les heures qui suivent l’exposition au VIH, au maximum 48 heures après.
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La prophylaxie préexposition (PrEP)
La PrEP consiste pour une personne séronégative à prendre un traitement antirétroviral avant l’exposition au VIH. Remboursée à 100%, elle est prescrite par tout médecin.
Quant au public cible, il est large puisque, selon la Haute Autorité de santé, « la PrEP s’adresse aux personnes exposées au VIH » et « l’information sur la PrEP peut être donnée à toute personne potentiellement exposée au VIH au cours de sa vie sexuelle ».
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Le traitement comme prévention (TasP)
Le traitement antirétroviral, pris régulièrement par les personnes vivant avec le VIH, abaisse très fortement la présence du virus dans leur sang jusqu’à l’obtention d’une charge virale indétectable.
À partir de là, et avec ce critère de charge virale indétectable, une personne séropositive ne peut pas transmettre le VIH.
Les objectifs du « 3x95 »
Ces objectifs de santé publique signifient, via un raisonnement en cascade, qu’en 2020 :
- 95% des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique,
- 95% des personnes séropositives et dépistées reçoivent un traitement antirétroviral,
- 95% des personnes recevant un traitement antirétroviral ont une charge virale durablement indétectable et donc ne transmettent pas le VIH.
Si ces objectifs intermédiaires sont atteints, les modélisations montrent qu’en 2030, nous pourrions atteindre le « Zéro contamination ». Aujourd’hui en France, c’est l’atteinte du premier et du deuxième objectif qui pose problème ; la troisième composante du « 3x95 » est d’ores et déjà atteinte.
L'information à retenir
L’accessibilité des moyens de prévention a été renforcée ces dernières années. Aujourd’hui, les préservatifs externe et interne sont disponibles en pharmacie gratuitement pour les moins de 26 ans.
Il est possible de faire un test de dépistage du VIH sans ordonnance, pris en charge à 100% sans avance de frais, sur simple demande et sans rendez-vous, dans tous les laboratoires d’analyses médicales de France. Et la PrEP est accessible chez son médecin traitant. Autant d’éléments sur lesquels communiquer largement.
Priorité aux personnes les plus exposées
En Île-de-France, le contrôle de l’épidémie passera par la méthode dite de l’universalisme proportionné. Cette approche a cela d’efficace qu’elle permet de répondre à un possible antagonisme entre les approches universelles et ciblées.
Comme le définit le Groupe SOS :
« Les programmes universels ont l’avantage d’être ouverts à tous, mais dans les faits, ils sont souvent peu accessibles aux personnes les plus fragiles.
Inversement, les programmes ciblés ont comme point fort de s’adresser aux populations les plus à risque, celles qui, précisément, échappent généralement aux programmes universels. Mais ils peuvent exclure des personnes vulnérables se trouvant dans les populations qui ne sont pas, a priori, identifiées comme étant à risque.
L’universalisme proportionné vise ainsi à combiner les deux approches, universelle et ciblée, pour que l’ensemble de la population accède aux programmes de prévention et de soin tout en accordant une attention particulière aux groupes les plus exposés.
Cela permet de diminuer l’écart entre les groupes et de prendre en compte chacun selon ses besoins. »
En Île-de-France, les personnes les plus exposées au risque d’infection par le VIH sont les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), les personnes trans et les personnes nées à l’étranger dans les zones à forte prévalence, notamment les femmes.
Le dépistage du VIH, clé de voûte de la lutte contre le VIH/sida
Plus de 1 millions de sérologies VIH sont réalisées en en Île-de-France. Pour autant, un effort important reste à faire, principalement en direction des personnes les plus exposées au VIH (notamment les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes « HSH » et les personnes originaires d’Afrique subsaharienne) afin d’augmenter la régularité et la fréquence de l’utilisation du dépistage.
Trop de personnes vivant avec le VIH ne connaissent pas leur séropositivité et trop de personnes apprennent tardivement leur état sérologique. Le renforcement du dépistage est, de fait, la première des priorités dans la lutte contre le VIH/sida.
Des outils de dépistage nombreux et variés
Aujourd’hui, l’accessibilité au test de dépistage du VIH est réelle au regard du nombre de dispositifs existants. Concrètement, plusieurs solutions existent pour faire un test de dépistage du VIH : en laboratoire d’analyses (avec ou sans prescription médicale), en CeGIDD pour réaliser un test gratuit, via un autotest ou encore un test rapide (TROD) dans le cadre d’actions associatives de dépistage.
Le constat : un niveau de dépistage insuffisant
Pour atteindre une efficacité optimale (et donc l’objectif 1 du « 3x95 »), la politique de dépistage se heurte à deux écueils majeurs.
- Un retard au dépistage dû aux occasions manquées :
Lorsqu’un test de dépistage du VIH n’est pas proposé à un patient en contact avec une structure de soins, en présence ou non d’un facteur de risque ou d’un signe évocateur d’une infection possible, on parle d’« occasion manquée ». Les délais entre infection et dépistage restent trop longs : deux ans chez les HSH, trois ans chez les femmes et quatre chez les hommes hétérosexuels. Le résultat : plus de 25% des contaminations sont découvertes à un stade tardif en Île-de-France.
- Le maintien d’une épidémie non diagnostiquée :
En Île-de-France 10 000 personnes ne connaissent pas leur séropositivité. Ce faisant, l’ignorance de leur statut sérologique a un impact individuel négatif chez ces personnes (sans traitement, la personne séropositive atteindra le stade sida en quelques années) ainsi qu’un impact collectif (l’ignorance de sa séropositivité, et donc l’absence de traitement, ne casse pas la chaîne potentielle de transmission du VIH).
Sur le plan financier, les retards diagnostiques sont à l’origine d’un surcoût, qui pourrait s’élever jusqu’à 246% de celui des personnes diagnostiquées plus précocement (Popping et al. PLoS ONE 2023). Ceci représenterait un surcoût de 6 000 à 27 000 euros par personne diagnostiquée trop tardivement. Ainsi, dépister précocement en Île-de-France pourrait permettre l’économie de près de 90 millions d’euros.
Un nécessaire renforcement de la régularité du dépistage
Dans un rapport intitulé « Réévaluation de la stratégie de dépistage de l’infection à VIH en France », la Haute Autorité de santé (HAS) indiquait que « la priorité doit être accordée au dépistage de l’infection à VIH au sein des populations clés ». Concrètement, la HAS recommande un « renforcement de la fréquence du dépistage dans ces populations :
- tous les 3 mois chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes ;
- tous les ans chez les usagers de drogues injectables ;
- tous les ans chez les personnes originaires de zones de forte prévalence de l’infection à VIH, notamment d’Afrique subsaharienne et des Caraïbes. »
La HAS maintient également sa recommandation d’un dépistage au cours de la vie pour la population générale : « afin de permettre le diagnostic des personnes qui ignorent leur séropositivité et de réduire l’épidémie cachée, la proposition d’un test de dépistage de l’infection à VIH au moins une fois au cours de la vie entre 15 et 70 ans doit être maintenue et représente une approche complémentaire au dépistage au sein des populations clés. »
Ce faisant, afin de réduire le nombre de personnes non diagnostiquées et de réduire le délai entre infection et découverte de séropositivité, le dépistage doit aller chercher les personnes qui ne se sont jamais fait dépister (quelle que soit la raison de cette absence de dépistage : sous-estimation de leur exposition, accessibilité des structures de dépistage, peur, etc.).
Informer et mobiliser les jeunes de votre territoire
En soi, les jeunes ne sont pas une population clé dans la lutte contre le VIH. Être jeune n’expose pas spécifiquement au VIH. Il n’en reste pas moins qu’il est essentiel de faire un effort tout particulier en direction de ce public.
En effet, alors que le nombre de contaminations au VIH est en hausse chez les jeunes de 15 à 24 ans depuis plusieurs années, les fausses croyances sont à un niveau très élevé, ceci entraînant une utilisation insuffisante des moyens de prévention. Ce constat factuel doit interroger sur les ressources et les dispositifs qui sont mis en place pour que les jeunes puissent avoir un accès effectif à l’information et appréhender au mieux les messages de prévention.
Nul doute que le relais local peut être essentiel pour renforcer efficacement l’information en direction des jeunes.
Un niveau préoccupant de connaissances
L’enquête menée par Sidaction en 2022 met en exergue l’augmentation des fausses croyances chez les 15-24 ans :
- 34% des jeunes pensent que le VIH peut être transmis en ayant des rapports sexuels protégés avec une personne séropositive (+10 points en deux ans).
- 18% estiment encore que la pilule contraceptive d’urgence ou un produit de toilette intime peut empêcher la transmission de virus.
- 23% des 15-24 ans pensent que le virus du sida peut se transmettre en embrassant une personne séropositive.
- Globalement, 31% des jeunes interrogés estiment être mal informés sur le VIH/ sida, soit une augmentation alarmante de 20 points par rapport à 2009.
Une trop faible utilisation des moyens de prévention
Ce manque d’information est à mettre en parallèle — et peut expliquer — une trop faible utilisation des moyens de prévention.
Selon le sondage de Sidaction :
- Seuls 34% des personnes interrogées déclarent avoir utilisé systématiquement un préservatif lors d’un rapport sexuel (-14 points par rapport à 2020).
- Moins d’un jeune sur deux s’estime bien informé sur les lieux où aller se faire dépister pour le test du VIH.
Le constat est le même sur les autres outils de la prévention diversifiée : selon le sondage mené par le Crips Île-de-France en 2022 :
- 46% des 15-24 ans pensent que le préservatif est le seul mode de prévention du VIH/sida.
- Seuls 43% des 15-24 ans ont déjà entendu parler de la PrEP et du TasP.
Un besoin d’information exprimé par les jeunes eux-mêmes
Face à ce constat qui pourrait laisser imaginer une attitude passive des jeunes, en fait la réalité est toute autre. Dans le sondage de Sidaction :
- 71% des jeunes interrogés estiment que les élus locaux en font suffisamment en matière d’information sur le VIH/sida,
- 70% quand il s’agit du ministère de l’Éducation nationale.
Un besoin d’investissement plus important
Au point de vue légal, l’éducation à la sexualité est une obligation prévue dans la loi depuis 2001. Elle se décline par l’obligation d’organiser au moins trois séances annuelles d’information et d’éducation à la sexualité, à chaque niveau d’enseignement dans le premier et le second degrés.
Ces séances ne se limitent pas à une information descendante sur des pathologies. Elles permettent d’aborder, et surtout, d’échanger beaucoup plus largement autour des questions d’estime de soi, de respect de l’autre, d’acceptation des différences, de la compréhension et du respect de la loi, de responsabilité individuelle et collective, etc. Ces séances ont cela d’essentiel qu’elles donnent l’occasion aux jeunes d’être outillés pour se construire. Si ces séances sont considérées comme obligatoires, la réalité est loin de l’objectif initial.
L’ancien défenseur des droits, Jacques Toubon, le résumait ainsi : « La mise en place de cette formation, obligatoire depuis quinze ans, est très lacunaire. Ainsi, un quart des établissements avouent ne pas proposer du tout d’éducation sexuelle. »
Faire passer le message, faire avec les jeunes
La priorité est de toucher, via des moyens et messages d’information et de prévention adaptés, l’ensemble des jeunes, quel que soit leur milieu social, quelle que soit leur orientation sexuelle. Mais la méthode employée pour le faire ne doit pas être celle consistant à délivrer unilatéralement des vérités et les imposer.
Au contraire. Il s’agit de permettre aux jeunes de construire eux-mêmes leurs stratégies de prévention via le développement de l’empowerment, c’est-à-dire le processus favorisant non seulement la transmission des connaissances, mais aussi le développement du « pouvoir d’agir » et la participation active et réelle des personnes concernées.
L'information à retenir
31% des jeunes interrogés estiment être mal informés sur le VIH/sida, soit une augmentation alarmante de 20 points par rapport à 2009. De fait, l’information sur le VIH/sida auprès de ce public est une priorité à organiser. Avec une méthode qui a prouvé son efficacité : ne pas faire seulement pour les jeunes, mais avec les jeunes.
Quand séropositivité rime avec discriminations
Près de 40 ans que le virus du sida a été découvert. Pendant ces années, la science a fait d’immenses avancées. À tel point qu’il est prouvé aujourd’hui qu’une personne séropositive, avec une charge virale indétectable, ne transmet pas le VIH. Ces progrès de la recherche ont-ils été suivis au même niveau par des progrès sociétaux dans la compréhension des enjeux de la lutte contre le sida et de la vie avec le VIH ?
La réponse est sans appel : non.
Près de 40 ans après la découverte du virus et malgré l’action déterminée et remarquable des associations de lutte contre le VIH/sida, être une personne vivant avec le VIH expose toujours à des discriminations bien trop nombreuses, que ce soit sur le plan privé, social ou professionnel. Des discriminations à combattre en travaillant sur les préjugés et fausses représentations. Combattre la sérophobie doit être une priorité : pour des raisons de droits humains, bien sûr, mais aussi car la sérophobie a un impact très négatif sur l’efficacité de la politique de prévention, de promotion du dépistage et donc sur l’atteinte du « 3x95 ».
Des représentations qui nourrissent la sérophobie
Les résultats du sondage, réalisé pour le Crips Île-de-France en 2021 sur la perception des personnes séropositives par la population française, mettent en exergue des représentations fausses, sources d’un niveau général de discriminations élevé.
- 27% des parents se sentiraient « mal à l’aise » si l’un des enseignants de leur enfant était séropositif (38% chez les moins de 35 ans).
Parmi les répondants en activité :
- 17% se sentiraient « mal à l’aise » à l’idée d’avoir un collègue de travail séropositif (20% chez les moins de 35 ans).
- Ils sont 13% à se dire gênés à l’idée de « fréquenter le même cabinet médical qu’une personne séropositive » (19% chez les moins de 35 ans).
Quelle est la première raison évoquée pour ces discriminations ? La peur de la contamination. D’où le besoin impérieux de renforcer le niveau d’information global de la population sur le VIH/sida.
Ne pas pouvoir dire sa séropositivité : une réalité
Cette invisibilité, c’est bien ce à quoi pousse ce climat sociétal. Ainsi, d’après une enquête Ipsos pour Gilead en 2018,
- près d’une personne vivant avec le VIH sur trois (31%) n’a parlé de sa séropositivité qu’à trois de ses proches au maximum.
- 43% mentent « souvent » à leur entourage sur leur situation et une personne sur quatre cache ses rendez-vous médicaux et ses traitements à ses proches.
Cette invisibilité forcée a des conséquences fortement négatives sur la vie personnelle : près d’une personne sur deux a renoncé à son désir de parentalité.
- Près de 40% ont renoncé à se marier ou à se pacser ;
- huit personnes sur dix ont anticipé ou concrétisé un divorce ou une séparation avec leur conjointe ou conjoint, suite à la découverte de leur séropositivité.
Combattre la sérophobie par l’information
Le rejet à l’encontre des personnes séropositives trouve son origine dans un manque d’information, à la fois sur les modes de contamination et les avancées scientifiques et thérapeutiques.
Qui sait qu’aujourd’hui une personne séropositive sous traitement, avec une charge virale indétectable, ne peut pas contaminer son ou sa partenaire ?Selon le sondage du Crips Île-deFrance réalisé en 2022, le résultat est — malheureusement — sans appel :
- 69% des Français considèrent qu’avoir un rapport sexuel sans préservatif avec une personne séropositive sous traitement constitue un risque élevé, voire très élevé de contamination.
Seule solution : l’information
L’objectif « zéro stigma »
Il est essentiel de replacer la lutte contre la sérophobie dans une perspective plus globale de lutte contre les discriminations. C’est d’ailleurs un objectif de santé publique à part entière aux côtés du « 3x95 » : le « Zéro stigma ». Sans une politique volontariste de lutte contre les discriminations, le « 3x95 » ne sera pas atteignable.
L'information à retenir
Par rapport aux immenses progrès de la science, la société n’a pas évolué aussi rapidement, et les différentes enquêtes mettent en exergue un niveau général de discriminations toujours très élevé à l’encontre des personnes vivant avec le VIH. Un exemple : plus d’un parent sur cinq se sentiraient « mal à l’aise » si l’un des enseignants de leur enfant était séropositif. La solution ? Une politique d’information ambitieuse au niveau local.
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Sur la prévention, ce que vous pouvez faire :
- Former le personnel municipal aux enjeux du VIH/sida via une sensibilisation dédiée.
- Mettre à disposition dans les lieux publics de votre commune des préservatifs internes et externes.
- Placer des brochures d’information sur les outils de prévention diversifiée dans les lieux de passage de votre ville.
- Organiser des évènements d’ampleur autour du Sidaction et du 1er décembre, Journée mondiale de lutte contre le VIH/sida.
- Mettre en place un plan d’interventions renforcé dans les structures du territoire accueillant des personnes exposées au VIH/sida.
- Réunir, a minima une fois par an, l’ensemble des acteurs du territoire, engagés directement ou indirectement dans la lutte contre le VIH/sida (associations, institutions, élus, structures municipales, professionnels des secteurs sanitaire, social et de la jeunesse) pour dresser un bilan et réfléchir aux projets efficaces à mettre en place
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Sur le dépistage, ce que vous pouvez faire :
- Soutenir activement le développement et la mise en place d’actions de dépistage à destination des publics vulnérables.
- Faciliter l’organisation des actions de dépistage rapide via une procédure accélérée quant aux autorisations d’occupation du domaine public.
- Mettre à disposition un stock d’autotests du VIH pour les associations de votre ville.
- Organiser une semaine spéciale « Dépistage » dans votre ville, mobilisant la diversité des acteurs du territoire : acteurs de la jeunesse, acteurs du sanitaire et du social, acteurs communautaires.
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Sur la prévention en direction des jeunes, ce que vous pouvez faire :
- Proposer des actions de prévention organisées par des associations spécialisées au sein des structures jeunesse du territoire (missions locales, maisons des adolescents, BIJ ou PIJ, etc.)
- Former les professionnels de la jeunesse aux enjeux du VIH et de la santé sexuelle, au counseling, mais aussi aux approches issues de l’éducation populaire et de l’entrepreneuriat social privilégiant l’émergence et la création de projets par et pour les jeunes.
- Intégrer la question du VIH et de la santé sexuelle dans le programme de travail des instances consultatives des jeunes de la ville (type CMJ).
- Organiser des temps de sensibilisation et d’échanges avec les parents sur la question de la santé sexuelle et d’une vision positive de celle-ci.
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Sur la lutte contre les discriminations, ce que vous pouvez faire :
Mettre en place des évènements socioculturels autour de la vie avec le VIH :
- Installer l’exposition « Paroles de VI(H)ES » d’ELCS, une exposition de quinze photographies et témoignages de personnes vivant avec le VIH ;
- Organiser des animations ou cinédébats autour de « Vivre », une série de six portraits audiovisuels de personnes vivant avec le VIH, réalisée par le Crips Île-de-France.
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Sur la promotion du I=I, ce que vous pouvez faire :
- Mettre en place une campagne d’information dédiée au « I=I » dans votre collectivité et au fait qu’une personne séropositive, grâce au traitement qu’elle prend au quotidien, ne peut pas transmettre le VIH.
La révolution « I=I »
« Indétectable = Intransmissible » ou « I=I » est un message scientifique, un message de santé publique. « I=I » signifie qu’une personne séropositive, sous traitement et en charge virale indétectable, ne peut pas transmettre le virus du sida.
En effet, les médicaments antirétroviraux rendent le virus indétectable dans le sang et les liquides sexuels des personnes touchées. Le virus devient de fait intransmissible. Ce message scientifique est partagé par plus de 1 000 associations dans une centaine de pays à travers le monde. Il constitue un message à marteler, tant il revêt la forme d’une révolution pour la lutte contre le VIH/sida.
« I=I » : une vérité scientifique
Cela fait dix ans que le traitement est considéré comme un outil de prévention de la transmission du VIH.
Le « rapport Hirschel » a exposé, dès 2008, les conditions de non-transmission sexuelle dans le cadre d’un couple hétérosexuel sérodifférent : Efficacité du traitement sur la charge virale qui est indétectable dans le sang. Très bonne observance de son traitement pour éviter les remontées éventuelles de charge virale. Absence d’autres IST qui seraient un facteur de possible augmentation de la charge virale. En 2010, l’essai HPTN 052 démontrait que le traitement précoce du partenaire séropositif réduisait de 96% le risque d’acquisition du VIH au sein de couples sérodifférents. En 2016, les conclusions de l’étude Partner sont claires et ne souffrent d’aucune contestation : parmi 1 166 couples sérodifférents, gays et hétérosexuels, et après 58 000 rapports sans préservatifs, il n’y a eu aucun cas de transmission du VIH. Le « I=I » n’est pas une opinion mais un fait scientifique.
L’intérêt individuel et collectif du « I=I »
Le « I=I » est :
- Un vecteur de mieux-être pour les personnes séropositives avec un impact réel sur leur qualité de vie.
- Un outil de prévention pour toutes et tous, avec une efficacité remarquable. Un vecteur de lutte contre les discriminations et la sérophobie en particulier.
- Un moyen efficace permettant d’atteindre le « Zéro contamination d’ici 2030 », le « I=I » étant la conclusion du raisonnement en cascade du « 3x95 ».
Un message à implémenter
Aujourd’hui, le message de santé publique « I=I » reste trop peu connu :
- Par les personnes séropositives elles-mêmes : l’enquête « VIH, Hépatites et vous » de AIDES a démontré que pour 40,8% des personnes séropositives interrogées, le traitement comme outil de prévention avait diminué la peur de transmettre le virus. Pour 25% des personnes vivant avec le VIH en Île-deFrance, cela se traduisait également par une amélioration de l’adhésion au traitement.
- Au sein des communautés concernées : selon la même enquête, 48,5% des personnes interrogées dans la population cible ont affirmé connaître le TasP (traitement comme prévention) avant qu’on leur en ait donné la définition précise.
- Par le grand public : 69% des Français n’ont jamais entendu parler du TasP.
Une efficacité sous conditions
Il est nécessaire de rappeler que l’effet « I=I » est conditionné par les efforts à faire sur les deux premiers objectifs du « 3x95 ». Ainsi, le « I=I » ne pourra trouver son plein effet qu’à la condition d’une politique volontariste concernant le dépistage (le 1er « 95 ») et une mise sous traitement efficace (le 2e « 95 »).
- Concernant le 1er objectif, cela suppose de mettre en place des dispositifs rapprochant l’offre de dépistage de celles et ceux qui en ont besoin aussi souvent que nécessaire.
- Concernant le 2e objectif, cela suppose une organisation des soins adaptés et l’absence d’obstacles législatifs ou réglementaires à la mise sous traitement. À ces conditions, le « I=I » pourra trouver son plein effet et permettra de nous projeter véritablement vers l’horizon 2030.
L'information à retenir
Une personne séropositive grâce à son traitement ne transmet plus le VIH. Un fait scientifique adopté dans les plans de santé publique de plus de 100 pays dans le monde. Un progrès majeur qui nous permet d’envisager concrètement la fin du sida en 2030.
Notre offre d’accompagnement
Accompagnement à la conduite de projet
Le Crips Île-de-France propose d’accompagner les acteurs de votre territoire à la réalisation de leur projet, notamment sur le volet méthodologique (identification des objectifs, mise en place du planning, évaluation). À titre d’exemple, un projet de mobilisation des structures jeunesse du territoire avec une approche « pair à pair » peut faire l’objet d’un accompagnement spécifique. De même pour un projet d’organisation d’une semaine spéciale « Dépistage ».
Accompagnement à la montée en compétences pour les professionnels des secteurs santé, social et jeunesse de votre territoire
Le Crips Île-de-France propose des formations sur de nombreux sujets afin de développer les compétences des professionnels sur les savoirs, savoir-faire, savoir-être, et ce, quel que soit le niveau initial. Ces formations sont faites « sur-mesure » et sur la base des besoins repérés en amont.
Accompagnement pédagogique et documentaire
Le Crips Île-de-France propose de renforcer les connaissances et d’outiller les acteurs de votre territoire via une mise à disposition de jeux pédagogiques, brochures, affiches, expositions — éditées ou non par le Crips ou Élus Locaux Contre le Sida — pour mener à bien leurs actions de prévention et d’information (exposition, ciné-débat, stand ponctuel, etc.)
Accompagnement à la création d’une dynamique territoriale
Élus Locaux Contre le Sida organise des réunions rassemblant sur un territoire l’ensemble des acteurs ayant ou pouvant avoir un rôle dans la lutte contre le VIH/sida. À la clé, des échanges entre élus, associations, institutionnels, médecins, acteurs sociaux et de la jeunesse…
Un temps qui permet de débuter collectivement, sur la base des mêmes constats et avec en point de mire les mêmes objectifs, une dynamique efficace. Ce type d’initiative peut être développée sur votre territoire par Élus Locaux Contre le Sida.
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Mettre fin au VIH/sida d'ici 2030 - Télécharger le guide
Mettre fin au VIH/sida d'ici 2030 : accompagnement des collectivités en Île-de-France
"L’Île-de-France est la région métropolitaine la plus touchée par le VIH : c’est le territoire où l’épidémie non diagnostiquée est la plus importante. En effet, 40% des personnes ignorant leur séropositivité résident en Île-de-France."
Date de publication 2024Auteur: Crips Île-de-France
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Thématique: Prévention du VIH/sida, IST, hépatiteDate de création 19/11/2021
Date de modification 21/01/2022