Je travaille à la Fondation santé des étudiants de France dans une unité d’hospitalisation soins et études en addictologie et à la CroixRouge française.

Quelles grandes tendances observez-vous en termes d’addiction chez les adolescents ?

Nous constatons une certaine stabilité en ce qui concerne le cannabis. En revanche, la consommation de produits plus « puissants », des molécules de synthèse comme le 3 mmc, des amphétaminiques ou des opiacés est en hausse. Et le phénomène se féminise. Depuis une quinzaine d’années, nous travaillons également sur la dépendance aux jeux vidéo, addiction désormais reconnue par l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Avec les jeux en ligne, un certain nombre d’adolescents restent accrochés à leurs écrans aux dépens d’autres activités familiales, scolaires ou de loisirs. Nous observons un rajeunissement de la population concernée du fait de la popularité de certains jeux et de la politique agressive des industriels.

Les adolescents s’interrogent de plus en plus sur leur appartenance au genre. Cette notion explose véritablement dans nos services et peut créer une souffrance importante liée à la personnalité ou à l’environnement familial et amical. L’accueil représente un défi auquel nous devons nous adapter en permanence. Nous devons être ouverts d’esprit et à l’écoute.

Les consultations pédopsychiatriques explosent. Le confinement a été mal vécu par les adolescents avec des huis-clos familiaux créés artificiellement. Il est important de mettre en place des espaces où les jeunes peuvent appeler en cas de besoin, mais aussi de pouvoir toucher les parents.

Il est rare que les adolescents manifestent eux-mêmes leur souffrance. Les parents ont un rôle à jouer dans le repérage précoce des besoins. Je dois tout de même reconnaître que la majorité des jeunes ont respecté les règles du confinement et les gestes barrières pour protéger leurs aînés.

Être dans l’interdit ou la peur est contreproductif. Nous préférons mettre l’accent sur la gestion des émotions. J’ai créé plusieurs mangas, déclinés en animés à destination des jeunes qui viennent en consultation. L’un d’eux est consacré au cannabis, un autre à l’alcoolisation massive. Les retours sont très positifs.

De plus, un programme baptisé Peer Care a pour objectif de repérer les conduites à risque chez les étudiants. Nous formons une vingtaine de personnes par campus à gérer des espaces de repos lors des fêtes pour les étudiants alcoolisés. Nous les aidons également à bâtir leurs propres programmes de prévention.

Le Crips Île-de-France prévention santé sida, en lien avec le Conseil régional, est un acteur de premier plan de la prévention des conduites addictives en plus de ses autres missions. Il m’a recruté comme expert il y a une quinzaine d’années. J’interviens quand on me le demande.

Le conseil aura pour mission de donner son avis sur les programmes initiés par le Crips. C’est le cas actuellement pour un jeu vidéo qui sert de support à un programme de prévention et dont je dois élaborer le contenu.